Le loup et l’Agneau

, par rpi_allas_arthenac_brie

Le Loup et l’Agneau

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Un Agneau se désaltérait Dans le courant d’une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité. »
« Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson. »
« Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l’an passé. »

 Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
Reprit l’Agneau, je tète encor ma mère.

 Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.

 Je n’en ai point. - C’est donc quelqu’un des tiens :
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l’emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

Jean de LA FONTAINE (1621-1695)